Quel rôle joue un architecte d'entreprise dans une démarche GreenIT ?

Pour y répondre, nous avons interviewé Damien Marzlin, membre du collectif IT’s on us. Damien est architecte d’entreprise, il accompagne les organisations dans la réduction des impacts environnementaux du numérique et forme à l’écoconception de services numériques.

Pour commencer, peux-tu nous expliquer ton métier d’architecte d’entreprise ?

Oui tout à fait. Une de mes premières missions est de cartographier l’existant. L’objectif est d’avoir connaissance de toutes les applications qui composent le système d’information et de connaître les fonctions de chaque application.

On sait donc, par exemple, qu’on a une application qui gère les commandes et qu’elle a pour fonction de réceptionner une commande web et d’envoyer des informations pour préparer la commande.

C’est une première vision assez statique, qu’on appelle POS (plan d’occupation des sols). A ce stade, il manque les liens entre les applications.

Dans la suite de mon exemple, l’étape suivante est de rajouter l’information me permettant de savoir comment je dois aller chercher les commandes web. Ce n’est pas parce qu’une application a la donnée que c’est à elle de les mettre à disposition.

Une bonne connaissance des applications et des liens entre elles, permet l’urbanisation. Et ainsi, couvrir un maximum de fonctions avec un minimum d’applications.

L’autre mission importante que j’ai, c’est d’avoir une vision long terme pour détecter les besoins que l’entreprise va avoir en termes de processus, d’applications et de techniques.

Peux-tu nous expliquer comment, en tant qu’architecte d’entreprise tu arrives à réduire les impacts environnementaux d’un système d’information ?

Premièrement, il s’agit de ne pas recréer des fonctions existantes. Je constate assez souvent qu’une équipe projet qui ne connait pas l’architecture du système d’information va développer une nouvelle fonction en dehors du cadre d’architecture de l’entreprise. Le premier lien évident, c’est qu’en ayant une bonne connaissance du système d’information, les architectes d’entreprises peuvent maximiser la réutilisation de l’existant. Au démarrage d’un projet, on liste les fonctions nécessaires et on identifie celles existantes et manquantes.

Ce qui peut aussi arriver, c’est que les flux de données entre les applications soient nombreux et non optimisés. Cela est dû au manque d’une vue logique des échanges entre les applications. On sait que le transfert de données a plus d’impacts environnementaux que le stockage. On comprend alors l’importance d’optimiser ces transferts. Si on a une démarche d’uniformisation des flux, on va pouvoir extraire une seule fois la donnée, la mettre à disposition à un endroit et avoir plusieurs services qui utilisent l’information. Par ailleurs, il arrive souvent que lorsqu’on met en place un flux, les équipes demandent une VM donc cela ajoute des impacts environnementaux.

Comment cela se passe concrètement en entreprise ?

Souvent, un ou plusieurs architectes sont dédiés à un domaine fonctionnel, selon sa taille et son importance. Il y a des instances pour que les différents architectes de l’entreprise puissent communiquer. Dans ma mission actuelle, cette instance est hebdomadaire. Régulièrement, je constate qu’il y a des liens entre les domaines et qu’il est important de travailler en coopération.

Par exemple, l’un des domaines cherchait un outil de signature électronique, avant de chercher une solution, ils ont contacté les architectes d’entreprise pour savoir si quelqu’un avait déjà l’application, ce qui état le cas. Cette fonctionnalité a donc été réutilisée.

Je dois également sensibiliser les personnes qui prennent des décisions qui concerne le système d’information. Je participe donc aux instances où il faut prendre des décisions (Design Authority), pour essayer dès le début d’apporter une vision globale de l’existant et de ce qui peut être fait. Cela est vraiment efficace quand la décision est prise à la suite d’un dialogue entre l’architecte d’entreprise et sa hiérarchie.

Quels sont les bénéfices de cette approche ?

Il y a des gains économiques forts, car on peut mutualiser.

C’est plus intéressant de connecter 10 services à la même infrastructure que d’avoir 10 infrastructures différentes. La mutualisation facilite le pilotage. Il y a qu’une seule équipe qui gère l’infrastructure et qui a une vision globale de l’existant pour déterminer ce qui peut être fait. C’est donc plus simple d’optimiser. Sans cela, il y a un risque élévé de surdimensionnement de plusieurs infrastructures.

Par ailleurs, l’uniformisation des flux de données, simplifie la maintenance. Plus il y a de flux, plus il est difficile de détecter des problèmes dans le transport de l’information et donc, de maintenir le système.

Peut-on mesurer les gains de cette démarche ?

L’architecture a un impact indirect, ça n’a pas de matérialité. Pour mesurer les bénéfices, il faut évaluer la matérialité grâce à un inventaire des équipements numériques. Dans les grandes entreprises il y a le CMDB (la base de données de gestion de configuraiton), une base de données qui contient tous les composants d’un système d’information de manière à avoir une vue d’ensemble sur leur organisation. On peut alors constater ce qu’on a évité (l’achat d’une machine virtuelle - VM - par exemple), le matériel qu’on a supprimé…

Si on veut avoir une idée des impacts environnementaux de façon précise, il faut réaliser une Analyse du Cycle de Vie (ACV) du système d’information. Il est ensuite possible de réaliser un plan d’action, de simuler les gains potentiels. Pour évaluer les bénéfices environnementaux réels, il faut refaire une ACV après la mise en oeuvre des actions.

As-tu un conseil pour les organisations qui n’ont pas encore démarré ce chantier ?

La première chose à faire c’est de cartographier l’existant, cela permettra de prendre des décisions éclairées. Je conseille également de prendre connaissances du référentiel Green IT : 74 bonnes pratiques clés pour un numérique plus responsable de GreenIT.fr.